Blog Ginkoe

Investir dans le rétablissement des salariés fragilisés est un atout !

Annick Dulion
Fondatrice et gérante du cabinet Ginkoe

Charles-Henri Besseyre des Horts
Professeur émérite à HEC Paris,
Président de l’AGRH, Senior Advisor chez Korn-Ferry

La question de la santé et de ces répercussions sur le travail s’invite au premier plan. Avant la crise sanitaire, des indicateurs alertaient déjà les entreprises sur la prise en compte de la santé de leurs salariés : le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de salariés travaillant avec des maladies chroniques, le décalage de la retraite et l’accélération des changements avec une charge mentale plus forte et une usure professionnelle. Cette tendance était objectivée notamment par l’augmentation de l’absentéisme qui progressait régulièrement déjà depuis quelques années1.

Dans ce contexte, la crise sanitaire s’est imposée violemment avec ses répercussions massives sur la gestion de la santé des salariés en entreprise et à plusieurs titres. Tout d’abord, avec les collaborateurs qui ont contracté la Covid. Les études en cours montrent qu’outre le passage de la phase aiguë, certains garderont des séquelles chroniques2 augmentant encore la masse de salariés travaillant avec une pathologie chronique. À ceci s’ajoutent la dégradation des indicateurs de santé (retard de diagnostic, baisse des suivis médicaux, etc.) et l’explosion de la détresse psychologique qui toucherait plus de 40 % des sala riés3 et dont les conséquences à long terme sont difficiles à évaluer, mais très présentes.

La crise sanitaire a considérablement renforcé la prise de conscience du rôle que l’entre prise est amenée à jouer sur la santé de ses collaborateurs et la légitime aux yeux des dirigeants notamment dans la préservation des collaborateurs fragiles. La pandémie a fait ressortir les fragilités liées à la maladie vécue directement ou indirectement avec son cortège d’in certitude, de stress, de douleur. Elle a aussi fait apparaître que n’importe qui dans l’entreprise peut être touché conduisant à une prise de conscience individuelle et collective. La crise a aussi renforcé la conscience de l’importance du travail dans l’équilibre et d’identité personnelle renforçant sa valeur, son rôle protecteur et de développement social et relationnel.

Confrontés aux difficultés médicales et psychologiques des collaborateurs, les DRH s’imposent au centre de l’accompagnement des salariés fragiles pour la bonne marche de l’entreprise. Ils gèrent notamment l’absentéisme et savent que plus les arrêts maladies sont longs, plus il est difficile aux salariés de reprendre leur trajectoire professionnelle. Autant de perte de valeur pour tous. Il est temps pour les entreprises d’investir dans le rétablissement des collaborateurs en situation de fragilité. Investir, c’est mettre en place des accompagnements spécialisés4 pour remobiliser et remettre des salariés fragilisés dans une dynamique positive. L’entreprise a tout à gagner à accompagner ceux ou celles qui doivent reprendre une activité après une longue absence, ou retrouver un nouveau souffle. Dans tous les cas, l’entreprise évitera bien des décrochages et de pertes de valeur.

En définitive, par la prise en compte des situations de vulnérabilités qui se sont multipliées avec la crise et son investisse ment dans l’accompagnement au rétablissement des salariés fragilisés, l’entreprise se donne les moyens de préserver son collectif et de renforcer sa cohésion. À ce titre, les DRH sont les premiers garants du lien entre performance sociétale et performance économique. Un lien qui constitue le socle de l’entreprise à mission telle qu’elle a été définie dans le cadre de la loi Pacte de mai 2019 et que cette crise a mise à l’épreuve5.

22 – Entreprise & Carrières – n°1527 du 10 au 16 mai 2021